Le leadership des femmes dans la réussite scolaire à Madagascar

En bref

Taux de promotion plus élevé des filles, meilleurs résultats aux examens, bonnes pratiques professionnelles… une étude de l’IIPE-UNESCO révèle les retombées positives à la présence d’une femme à la direction d’école à Madagascar ; et recommande des réformes pour susciter des vocations.

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directrice école WILL
© Ministère de l’Éducation nationale de Madagascar
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directrice école Madagascar WILL

Madagascar est parmi les pays d’Afrique subsaharienne ayant les parts les plus élevées de femmes à des postes de direction scolaire. Un cas sur lequel l’IIPE-UNESCO Dakar a souhaité s’arrêter, d’autant que la recherche a montré à plusieurs reprises l’influence du genre de la direction scolaire sur l’environnement de travail, la motivation des élèves et leurs résultats.

L’étude menée dans le cadre du programme de recherche WiLL (Women in Learning Leadership) de l’IIPE-UNESCO Dakar et de l’UNICEF Innocenti dans le cadre l’Initiative Priorité à l’Égalité s’intéresse à l’environnement dans lequel évoluent les directrices d’école à Madagascar et l’influence de leurs pratiques de gestion, dans ce pays ayant indéniablement progressé sur l’accès à l’école, mais dont la qualité de l’enseignement reste à améliorer.

Des conditions de travail difficiles

À Madagascar, moins de 10 % des chefs d’établissement ont le profil technique souhaité et exercent souvent dans un environnement peu favorable à l’amélioration professionnelle, continuant d’enseigner tout en assumant des responsabilités auxquelles ils n’ont pas été préparés. Cumulés à des moyens matériels et financiers limités pour leur école, les conséquences de ces conditions précaires sur la qualité de leur travail sont importantes.

Ces conditions de travail ne sont pas très attractives, nous disent les auteurs de cette recherche, en particulier pour les femmes, qui représentent 35 % des effectifs de direction d’école à Madagascar. « La représentation globale est importante mais certaines régions comptent moins de 10 % de directrices », nuance Nathalie Guilbert, chercheuse, co-autrice de l’étude de l’IIPE-UNESCO Dakar.

Leur contexte de travail est certes relativement plus clément que celui des hommes – généralement en ville, avec de meilleurs équipements et moins d’élèves par enseignant – mais la charge de travail reste importante et les perspectives de progression limitées. La sous-représentation des femmes dans certaines zones reculées ou estimées dangereuses est d’ailleurs liée à leur genre ; certaines communautés locales considérant ce travail inapproprié pour les femmes.

Une influence positive sur les apprentissages

L’effet produit par leur présence est pourtant bien réel et peut-être dû en partie au rôle modèle que jouent les directrices, en particulier pour les filles. En moyenne plus diplômées et expérimentées que leurs collègues masculins, les directrices d’école malgaches adoptent également de bonnes pratiques. « Les acteurs locaux de l’éducation nous disent qu’elles sont plus sérieuses, mieux organisées, plus conciliantes en cas de conflits, plus réactives aux demandes des enseignants », livre Nathalie Guilbert.

Plus frappant encore, en analysant les données de recensement scolaire tenant compte du contexte susceptible d’influencer les apprentissages, les auteurs de l’étude ont observé un lien significatif entre taux de réussite des élèves et présence d’une femme à la tête d’une école. Ainsi, les filles ont plus de chance d’évoluer dans les classes supérieures si leur chef d’établissement est une femme. Le résultat final à l’examen de fin de primaire est aussi meilleur pour tous les élèves lorsqu’ils ont une directrice.

Améliorer les conditions de travail, renforcer l’encadrement de proximité et structurer les carrières semble donc essentiel. « Il y a un véritable manque d’incitation à devenir directeur d’école et à mobiliser des personnels qualifiés dans les zones les plus excentrées », note la chercheuse. Pour cela, il faudrait créer des perspectives de carrière et d’évolution, définir un cadre de compétences, faire évoluer les représentations, mais aussi mobiliser plus d’enseignants qualifiés dans certaines zones sous-dotées ou revaloriser la prime versée aux directeurs. Transformer les perspectives du métier pourrait grandement encourager davantage de femmes à embrasser cette voie et à contribuer positivement à l'amélioration des apprentissages.

Grâce à la collaboration de l'IIPE-UNESCO Dakar à travers l'Initiative Priorité à l'égalité, le ministère de l'Éducation nationale de Madagascar a pu procéder à une planification de l'éducation sensible au genre. Cela fait suite à la formation des cadres, notamment dans l'analyse institutionnelle sensible au genre au sein de la direction des écoles primaires, ainsi que dans la professionnalisation des directeurs d'école.

Fanilo ANDRIATSIMAMITAKA
Chef de service de la coordination, du pilotage, du suivi et des études - Secrétariat général ministère de l'Education nationale