Le rôle des directrices d’école dans l'amélioration des apprentissages en Afrique francophone

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Le rôle des directrices d’école
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Le rôle des directrices d’école

Et si les inégalités de genre concernaient aussi la direction des écoles ? La parité à la tête de ces établissements est loin d’être atteinte. Pourtant, dans certains pays d’Afrique francophone, la présence d’une femme responsable d’école influe sur la réussite des élèves, comme l’indique un nouveau rapport de l’IIPE-UNESCO. Dans quatre nations sur les quatorze examinées, les performances des élèves sont meilleures si leur chef d’établissement est une femme. Une réalité non généralisable à l’ensemble la région et qui fait actuellement l’objet de recherches plus approfondies.

Existe-t-il un lien entre le genre d’un directeur ou d’une directrice d’école et la réussite de ses élèves ? A partir d’une riche base de données sur les conditions d’apprentissage et le niveau de compétence en lecture et en mathématique des élèves de primaire, le PASEC2019, collectées dans 14 pays d’Afrique francophone, (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Madagascar, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo), une nouvelle étude de l’IIPE-UNESCO révèle un lien entre réussite à l’école et leadership féminin dans quatre cas. Au Bénin, à Madagascar, au Sénégal et au Togo ; les performances des élèves à la fin du primaire sont meilleures lorsqu’ils sont scolarisés dans une école dirigée par une femme, à contextes équivalents avec les établissements dirigés par des hommes. 

Le niveau d’étude, les expériences passées et l’environnement de travail ont bien sûr une influence sur les pratiques de gestion des directeurs et directrices. Mais le genre a lui aussi une incidence - comme en politique ou dans le secteur des affaires - avec un style de leadership féminin souvent plus attentif aux besoins des autres. « Les femmes sont sous-représentées dans la littérature sur le leadership. Or, si l’on veut que celles qui exercent des rôles importants soient des modèles pour les filles, il faut étudier leur parcours. C’est ce qui nous a motivés à conduire cette recherche », livrent les auteurs.

Des caractéristiques qui démarquent les directrices

De précédents travaux, concernant entre autres le Kenya, le Mozambique ou Madagascar, ont montré que la présence d’une femme en milieu scolaire avait une influence positive sur les résultats des élèves en général et des filles en particulier, ainsi que sur leurs aspirations professionnelles. Mais aussi combien ces directrices servent de modèles et participent « à combattre les stéréotypes relatifs au genre ». Le nouveau rapport de l’IIPE-UNESCO dévoile quant à lui des caractéristiques « qui démarquent les directrices et les écoles qu’elles dirigent ». Dans certains des 14 pays étudiés, les écoles pilotées par des femmes sont ainsi « plus susceptibles d’organiser des rencontres avec les parents d’élèves, de proposer des cours de soutien et d’avoir des enseignants moins fréquemment absents ».

Ces exemples pourraient s’expliquer par l’existence de pratiques discriminatoires conduisant les femmes à mettre les bouchées doubles : celles qui accèdent aux postes de direction sont souvent plus qualifiées et expérimentées que leurs collègues masculins. L’objectif des chercheurs n’étant pas de dire que les femmes sont meilleures, « car que l’on soit homme ou femme, on est tous capables d’avoir des responsabilités », précisent-ils. « Il s’agit plutôt d’identifier les pratiques intéressantes et de voir comment les femmes peuvent bénéficier d’une meilleure formation, être mieux accompagnées ».

Les pratiques de gestion et le profil selon le genre ne sont d’ailleurs peut-être pas les seules raisons permettant d’expliquer les différences observées entre directeurs et directrices. L’étude montre l’existence de caractéristiques contextuelles et géographiques souvent associées aux directrices. Plus qualifiées que les hommes, les directrices sont aussi plus fréquemment postées en zone urbaine, dans des écoles « mieux dotées en infrastructures, aux élèves issus de milieux socio-économiques plus élevés ».

Seulement 22 % des élèves ont une directrice

Ces résultats entrent dans le cadre d’un projet de recherche plus large de l’Initiative Priorité à l’égalité (Gender at the center – GCI) sur les pratiques de leadership et de gestion des écoles par les femmes dans les pays à revenu faible et intermédiaire (WiLL – Women in Learning Leadership). Pour les auteurs, ils représentent une avancée vers une meilleure compréhension d’un sujet qu’il reste néanmoins à approfondir : « L'analyse réalisée nous permet d'identifier quatre pays de la région qui se distinguent. Maintenant, il faut aller plus loin car on observe de grandes différences contextuelles au sein d’un même pays et d’un pays à l’autre ». Des études de cas sont d’ailleurs déjà en cours au Bénin, à Madagascar, pays qui compte la plus forte représentation de femmes directrices de l’échantillon (35%), ainsi qu'au Tchad, où 5% des responsables d’établissements seulement sont des femmes selon les dernières données nationales de recensement scolaire.

L’objectif est d’identifier les mécanismes pouvant faciliter l’accès des femmes aux postes de direction. « On veut vraiment comprendre comment le rôle du directeur ou de la directrice d'école est défini et encadré. Les directeurs et directrices ne travaillent pas de la même manière d’un pays à l’autre, les conditions de recrutement ne sont pas les mêmes et les opportunités de formation non plus». La collecte de telles données peut aussi servir d’enseignement afin d’améliorer les compétences et les conditions d’emploi, et pour concevoir des politiques en faveur d’une plus grande parité. Car les écoles primaires de la région sont majoritairement dirigées par des hommes et les pratiques de recrutement discriminatoires perdurent. En moyenne, dans les quatorze pays étudiés, seuls 22 % des élèves ont une directrice. Certains pays ne comptent même qu’une femme directrice pour dix hommes directeurs.

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Women in Learning Leadership – WiLL