Accélérer la digitalisation de la formation professionnelle en Afrique

Les dispositifs d’EFTP du continent africain peineraient-ils à entrer dans l’ère du digital ? C’est l’une des questions d’un récent rapport de l’IIPE-UNESCO sur « la Transformation digitale de l’EFTP et des systèmes de développement des compétences en Afrique ». Ciblant cinq pays du continent (Madagascar, le Nigeria, le Rwanda, le Tchad et la Tunisie), le rapport appelle à surmonter les principaux défis dans le processus de transformation digitale des dispositifs de développement des compétences dans la phase post-pandémique.

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Transformation digitale de l'EFTP en Afrique

Alors que les TIC sont indispensables pour la transmission de la connaissance digitale, en Afrique, beaucoup de pays ont des difficultés à résoudre le défi du faible taux de couverture du réseau d’internet et de l’infrastructure numérique défaillante.

La faiblesse des réseaux d’électrification et les difficultés d’accès technique et financier freinent les tentatives des pouvoirs publics pour faire émerger le digital dans le secteur de l’enseignement et de la formation technique et professionnelle (EFTP). Il s’agit pourtant d’une priorité politique. La Stratégie continentale de l’éducation 2016-2025 élaborée par l’Union Africaine en 2018 a pour objectif la construction de l’écosystème national, régional et continental de l’EFTP. Comme le remarque Nicola Tissi, spécialiste EFTP à l’IIPE-UNESCO, coordonnateur de l’étude, « auparavant la digitalisation était perçue comme un enjeu à venir, qui concernait surtout les dispositifs d’éducation et de formation les plus avancés. Mais avec l’avènement de la crise du covid 19, on a pris conscience qu’il s’agissait d’une priorité incontournable pour tout le monde. »

Digital en timide évolution

Des efforts sont en cours dans plusieurs pays, comme en Tunisie, avec la mise en place d’un plan national stratégique, ou au Rwanda qui a créé d’une division dédiée aux technologies numériques au sein du Rwanda TVET Board. Kigali a lancé en 2015 un Smart Rwanda Master Plan, qui propose l’utilisation de nouveaux matériels technologiques. Un programme accompagné d’une formation diplômante ouvrant sur l’économie de la connaissance.  

Mais le pari du numérique peut s’avérer risqué en raison du manque de culture technologique et de qualifications limitées. Dans la plupart des pays de l’étude, « un très faible nombre de professeurs sont formés au numérique » révèle Hadhami Abassi, experte internationale en science de l’éducation ayant participé à l’étude. A Madagascar par exemple seuls 80 professeurs de lycées techniques et personnels d’encadrement ont pu bénéficier dernièrement, avec l’appui de la BAD, d’une formation sur la création d’un module d’enseignement numérique et sur la mise en ligne des contenus. Selon le rapport, avec 50 % des formateurs formés aux TIC, seul le Rwanda a répondu à la mesure du défi.

 « La digitalisation se heurte aussi à de services d’entretien des équipements limités » poursuit Hadhami Abassi. A l’exception du Rwanda qui a mis en place en système d’assurance qualité, les autres pays injectent très peu de moyen pour le fonctionnement de l’offre de formation digitale.

Tirer le secteur vers le haut

A l’avenir, les pays africains devront consentir à davantage d’efforts sur les investissements en équipement et infrastructure TIC (bande numérique, outils), la formation (cadre de certification), l’adaptation des cursus de formation aux demandes du marché du travail. « L’urgence consiste à mener une concertation continue avec le secteur privé TIC, pour trouver les avantages mutuels et maximiser le potentiel de la numérisation comme moyen pour mieux former les jeunes dans toutes les filières de formation, mais également comme finalité, à savoir pour augmenter les compétences numériques de la main d’œuvre », indique Nicola Tissi. Cette concertation doit même s’étendre aux acteurs internationaux selon Mme Abassi, qui recommande de nouer des partenariats avec des acteurs majeurs du secteur comme « IBM et openclassroom, l’ANETI, via son espace de formation en ligne ; cette opportunité offre un bouquet de formations dont certaines sont certifiantes au profit des demandeurs d’emploi et des jeunes promoteurs ».

De telles initiatives pour la digitalisation de l’EFTP en Afrique pourront contribuer à lutter contre le chômage endémique, et à préparer la jeunesse qui représente l’espoir du continent, à mieux tirer parti des opportunités économiques de demain.