Éducation en Côte d’Ivoire : « La transformation des ressources en résultats reste problématique »

En matière d’éducation, la Côte d’Ivoire a fait des progrès notables mais pâtit toujours d’un faible niveau d’investissement. Une analyse de l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE-UNESCO Dakar) fait le point sur les bons résultats, mais aussi sur les difficultés toujours prégnantes.

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©UNICEF/Frank Dejongh
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©UNICEF/Frank Dejongh

La croissance régulière en Côte d’Ivoire ces dernières années et l’instauration de l’école obligatoire pour les 6/16 ans ont-t-elle permis d’améliorer l’accès à l’école, la qualité des apprentissages et l’insertion sur le marché du travail ? Réalisée dans le cadre de l’élaboration par la Côte d’Ivoire d’un nouveau plan d’actions en matière d’éducation, une analyse de l’IIPE-UNESCO Dakar sur la période 2014-2021 livre ses conclusions.

Des investissements limités en faveur de l’éducation

Cette observation à la loupe du système éducatif ivoirien montre comment, avec une croissance moyenne annuelle de 7,7 %, le maintien de la Côte d’Ivoire dans une position de hub économique régional durant les années 2014-2021, a eu un impact positif sur les dépenses publiques d’éducation, dans l’ensemble à la hausse.

Mais plusieurs points restent problématiques. Premièrement, les sommes consacrées à l’éducation ont augmenté moins vite que l’ensemble des dépenses publiques. Puis, elles ont surtout servi à payer le personnel de l’Éducation nationale. Cette situation laisse très peu de place à l’investissement, comme le souligne l’analyste des politiques éducatives de l'IIPE-UNESCO et co-auteur de l’étude, Oswald Koussihouèdé : « Car l’État ivoirien a en réalité très peu de moyens pour la transformation de son système ».

Beaucoup d’enfants toujours non scolarisés

Bien qu’on ne puisse pas parler de scolarisation universelle en Côte d’Ivoire, le pays a progressé en la matière. Mesure phare de la période, l’école rendue obligatoire entre 6 et 16 ans a contribué à accroitre les effectifs. Cependant, le nombre de jeunes déscolarisés ou n’ayant jamais mis les pieds à l’école est encore très élevé, même s’il a baissé, et les abandons en cours de scolarité sont fréquents.

« L’État s’est engagé dans un vaste mouvement de construction d’écoles, mais aussi de recrutement massif d’enseignants, de sensibilisation des ménages » livre Aristide Toti, statisticien à la Task-Force Éducation-Formation de Côte d’Ivoire. Des efforts restent néanmoins à faire dans la mesure où le nombre d’enfants en dehors du système est régulièrement alimenté par la forte croissance démographique. « Environ 20% des dépenses de scolarisation sont perdues du fait du redoublement et de son corollaire, l’abandon scolaire », évalue pour sa part Oswald Koussihouèdé.

Des conditions d’apprentissage à améliorer

Il faut dire que certaines conditions peu propices à l’apprentissage incitent certains à quitter l’école. Un exemple parlant : moins de la moitié des établissements scolaires de Côte d’Ivoire sont équipées de latrines. Les violences en milieu scolaire sont à l’origine de phénomènes d’absentéisme et de déscolarisation. Grèves et absences répétées des enseignants sont également à prendre en compte. Enfin, la scolarité pèse toujours lourdement sur les finances des familles, « ce qui implique l’exclusion des enfants les plus pauvres », notent les auteurs de l’étude.

Les conséquences sur les performances des élèves sont importantes. Sur la période étudiée, les progrès observés ces dernières années en lecture et mathématiques en début de scolarité sont contrebalancés par les faibles niveaux en fin de parcours, surtout en mathématiques. Certaines compétences sont même moins bien maîtrisées qu’autrefois, comme la lecture à voix haute d’un texte ou la connaissance des sons des lettres.

Une majorité de travailleur dans le secteur informel

L’étude s’intéresse aussi à l’accès au marché du travail. Environ six ivoiriens sur dix (59 %) en âge de travailler ont un emploi, dont une écrasante majorité dans le secteur informel. Pour ces personnes souvent sans diplômes, les chances sont faibles de trouver un travail au revenu décent.

Pour les personnes au niveau d’étude plus élevé, ou ayant suivi un enseignement technique ou une formation professionnelle, les chances sont en revanche plus grandes d’occuper un emploi dans le secteur formel et de mieux gagner sa vie.

Quant aux femmes, celles-ci continuent d’être plus souvent au chômage que les hommes. Lorsqu’elles travaillent, leurs salaires sont moins élevés et elles sont aussi plus souvent obligées d’accepter des emplois vulnérables. 

En conclusion, si la Côte d’Ivoire a consenti à de nombreux efforts pour améliorer son système éducatif, pour Oswald Koussihouèdé, « la transformation des ressources en résultats reste problématique ». De nombreux enfants sont toujours en dehors du système éducatif. Parmi ceux qui vont à l’école, beaucoup n’ont toujours pas les connaissances requises lorsqu’ils achèvent leur scolarité.