Une mise en œuvre entravée par l’instabilité politique
Depuis 2019, trois ministres et trois secrétaires généraux se sont succédés à la tête du ministère de l’Éducation, impactant l’organigramme des directions presque à chaque fois. La forte mobilité des responsables à tous les niveaux du système, l’absence de continuité de service ou de culture de passation de poste sont autant d’éléments qui engendrent une perte de données et de mémoire institutionnelle.
L’analyse réalisée met en lumière les difficultés rencontrées par les encadreurs et enseignants depuis près de deux décennies, et amplifiées au cours des dernières années. Faute de pouvoir capitaliser sur les actions précédentes, chaque nouvelle équipe a tendance à faire de nouvelles propositions.
« La majorité des enseignants et des formateurs ressent ce constat comme un facteur défavorable. Les acteurs affirment que ces changements fréquents ne facilitent pas leur tâche et qu’ils doivent s’adapter à une nouvelle approche avant même d’avoir maitrisé la précédente » déclare un directeur d’école.
S’il est ici fait référence aux changements d’approche pédagogique qui ont été opérés par le niveau central, sans que les acteurs sur le terrain n’aient le temps de s’approprier l’une d’entre elles et de la mettre en œuvre efficacement, ce constat vaut pour d’autres thématiques (ex: calendrier scolaire).
Des modalités de planification, de suivi-évaluation et de capitalisation à repenser
L’instabilité ne facilite pas les choses, mais elle n’est pas la seule difficulté : l’absence d’échange et de coordination entre les niveaux d’intervention grippe aussi la machine.
« L’élaboration de Plans de Travail Annuel (PTA) ou de Plans Triennaux de Développement (PTD) a besoin d’une vision commune de tous les acteurs dans tous les niveaux ». Ces propos tenus par des acteurs rencontrés au cours de la phase de diagnostic illustrent l’un des écueils auquel est confronté le système : sa faible capacité à faire dialoguer les différents niveaux d’action et à apprendre de l’expérience des acteurs.
Les instances de dialogue autour de la mise en œuvre de la politique éducative existent bel et bien, mais leur utilisation pour construire une vision et une compréhension commune n’est qu’illusoire. Le manque de moyens, ou parfois de capacités ou de motivation, les transforment en simples récepteurs d’une injonction venue d’en haut. Ainsi, certaines stratégies pourtant bien pensées au niveau central (comme la politique de remédiation), se trouvent en échec dans leur mise en œuvre, comme le signalent les acteurs rencontrés : « L’inexistence d’échanges entre les différentes structures de l’administration au niveau déconcentrée est l’une des causes majeures du redoublement des élèves ».
Le suivi et l’évaluation des actions est quant à lui dégradé par la profusion d’outils proposés aux acteurs. Insuffisance de temps pour remplir les nombreux outils, manque de formation pour les utiliser ou encore sentiment d’inutilité viennent expliquer faible motivation des acteurs à produire des données fiables, qui permettraient un réajustement de l’action.
Ainsi, la plupart des actions d’envergure mises en place, notamment en termes d’actions de formation pédagogique, n’ont pas fait l’objet d’évaluations approfondies, ni de suivi dans la mise en œuvre à moyen terme, ne permettant pas d’adapter l’appui ou les outils proposés sur la base de retours d’expérience.
Pour un pilotage plus efficace, qui conduira à une amélioration de la qualité de l’éducation, les fonctions de planification, de suivi-évaluation et de capitalisation apparaissent donc comme centrales. Et ce travail ne peut se faire qu’au plus près et avec les acteurs directement concernés.