Ateliers de micro-enseignement tutoré : née en classe, cette démarche innovante nigérienne pourrait intégrer le curriculum officiel national

Au Niger, des instituteurs ont eu l’idée de former des petits groupes d’élèves encadrés par un camarade, pour s’assurer que tous acquièrent les savoirs de base. Avec l’appui de l’IIPE-UNESCO, cette pratique est en bonne voie pour devenir une véritable méthode destinée à améliorer les apprentissages.

Image
Image

*Cet article concerne des activités menées avant juillet 2023

Pour améliorer la qualité des apprentissages et le niveau des élèves, pourrait-on regarder ce qui se fait déjà de bien dans les écoles ? Qui de mieux placé que l’instituteur et le directeur pour envisager des solutions aux problèmes rencontrés en classe ? Certains sont à l’origine de pratiques inattendues, ancrées dans leurs réalités et qui fonctionnent, mais dont l’existence ne remonte malheureusement pas toujours jusqu’aux décideurs politiques.

Au Niger, des équipes du ministère de l’Éducation nationale formées pour se rendre en immersion dans des écoles dans le cadre du Programme d’appui au pilotage de la qualité de l’éducation, mis en œuvre par l’IIPE-UNESCO Dakar et soutenu par l'Agence française de développement, ont découvert une démarche innovante mise en place dans plusieurs établissements des régions de Zinder et Tahoua.

Pour s’assurer de la compréhension par tous les élèves de notions déjà étudiées en classe, des enseignants y montent des petits groupes de travail de cinq ou six élèves du même âge, placés sous la responsabilité d’élèves « tuteurs » choisis pour leur appétence à partager leur savoir et préparés par l’enseignant, qui motivent leur camarade grâce à l’effet de pairs.

Image

Une réponse aux besoins locaux

Dans ce pays manquant de ressources financières, humaines et matérielles, mais conscient des difficultés d’apprentissage de ses élèves et de la nécessité d’améliorer la qualité de son école, l’initiative a le mérite de s’attaquer à plusieurs problèmes concrets : des classes surchargées, des temps d’apprentissage trop courts, des élèves d’une même classe aux âges et profils très variés, et, surtout, le peu d’attention réservé aux élèves en difficulté ; moins susceptibles d’être laissés de côté lorsqu’ils travaillent en groupe restreint.

La démarche a déjà fait ses preuves localement, comme le raconte Mme DIALLO FATI, de la Direction de la Formation initiale et continue du ministère de l’Éducation nationale du Niger : « C’est plus ludique, moins solennelle que lorsque l’enseignant fait classe, plus motivant pour les élèves. Pour une fois, même les plus en difficulté sont engagés dans le travail. Les élèves aiment tellement ces moments que certains se mettent spontanément en petits groupes lorsque l’enseignant est absent ».

Une initiative qui coche aussi de nombreuses cases pour être développée à l’échelle du pays. D’autant qu’au Niger, l’offre de formation continue est souvent inadaptée aux véritables difficultés rencontrées par les enseignants. « Si cette démarche innovante était présentée aux instituteurs confrontés aux mêmes difficultés, elle susciterait certainement de l’engouement », affirme M. Idrissa Moussa, Directeur des études à l’École Normale d’Instituteurs de Niamey.

Image

À la recherche d’un impact national

Bien qu’ayant déjà fait ses preuves sur le terrain, la pratique n’était cependant pas structurée. Par exemple, les élèves tuteurs ne sont pas suffisamment préparés à assumer ce rôle d’encadrant. Il leur manque également du matériel basique tel que de grandes ardoises. L’expérimentation de l’UNESCO a donc consisté à se demander comment cette innovation pouvait être transformée en méthode utilisable partout dans le pays dans les meilleures conditions possibles.

La première étape a été de la présenter à deux écoles normales d’instituteurs du Niger ; formatrices des futurs enseignants ; qui se sont véritablement approprié la pratique. En collaboration avec l’IIPE-UNESCO Dakar, elles ont réfléchi à une application pour l’apprentissage de la lecture en classe de CE1, testée au sein de leurs écoles primaires de rattachement.

Afin de fixer une méthode destinée aux futurs enseignants, elles ont défini les critères de choix des élèves tuteurs, la taille et les profils au sein des groupes, les modalités d’intervention des enseignants dans le groupe, les manières d’éviter des situations de cacophonie. Au final, il a été décidé de constituer les groupes en mélangeant les profils afin de favoriser l’inclusion de tous et que les groupes tournent d’un atelier à l’autre sur des temps définis. La démarche a été vulgarisée auprès de tous les autres établissements de formation d’enseignants du pays. D’un point de vue technique, l’innovation a donc été étudiée, validée et doit maintenant être présentée aux décideurs et aux planificateurs.

Mais l’appui de l’IIPE-UNESCO va plus loin que cette simple innovation. « Il s’agit pour nous de faire en sorte que le système éducatif nigérien soit en capacité d’être informé de l’existence d’initiatives prometteuses et susceptibles d’être intégrées dans la formation initiale et continue des enseignants », précise l’expert Moussa Hamani Ounteni. Parents qui organisent des sessions d’apprentissage ou enseignants réunissant les élèves en difficultés, aux quatre coins du pays, l’environnement de l’école ne manque pas d’idées pratiques et inspirantes pour améliorer la qualité des apprentissages.