Pilotage de la qualité de l’éducation au Niger : favoriser le dialogue et la transparence

Malgré les multiples réformes et divers outils pédagogiques engagés par les ministères de l’Éducation, le système éducatif nigérien fait face à de nombreux obstacles pour améliorer la gestion de la qualité de l’éducation. Les dispositifs utilisés ne sont pas suffisamment adaptés aux véritables besoins des enseignants et des élèves. Ils ne permettent pas de transformer les pratiques, et ne renforcent pas, in fine, les acquis des élèves.

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Niger
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Diagnostic des pratiques de pilotage de la qualité de l’éducation

Au début des années 2000, le Niger a opté pour la gratuité de l’enseignement primaire et en a facilité les conditions d’accès. Le taux de scolarisation est passé de 34 % en 2000[1] à 71 % en 2017[2]. Malgré cette amélioration tangible sur la massification de l’éducation, la qualité de l’éducation reste un enjeu majeur. D’après l’évaluation du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN menée en 2014, seul un tiers des élèves maîtrise les compétences élémentaires après six années de scolarisation.

Ce constat n’a pas échappé aux cadres du ministère et aux partenaires. Diverses mesures ont été prises pour essayer d’améliorer la situation mais le manque de résultats positifs est la conséquence d’un système éducatif en inadéquation avec les réalités du terrain. Le ministère délivre des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou de formation mais leurs programmes ne tiennent pas suffisamment compte des différences sociales et géographiques ni, tout simplement, des résultats des élèves.

Un système vertical

Au Niger, la forte emprise des autorités de l’administration centrale du ministère sur la gestion du système éducatif et sur les entrées en vigueur de réformes et de prescriptions ne facilite pas les échanges. À chaque niveau, la reddition de comptes est marquée par une transmission verticale des informations et ce manque de dialogue entre les intervenants impacte toute la chaîne du système. Les données et les résultats sont très peu analysés, du fait des faibles remontées d’informations du terrain, par ailleurs souvent faussées, vers les directions centrales. Dans cette logique unique de top-down, les acteurs ne mutualisent pas leurs réflexions et n’échangent pas pour adapter les décisions nationales en fonction de chaque territoire. « Au niveau national, nous ne pouvons pas dire le besoin réel d’un enseignant car la Division formation de la DREP ne transmet pas les rapports d’exploitation des bulletins à la DFIC à cause des rapports hiérarchiques. » Comme l’indique cet agent, chaque niveau de la chaîne est déconnecté du niveau inférieur et de ses réalités, ces postures professionnelles strictes installent des sentiments de méfiance entre les agents, qui finissent par assimiler les encadrements à des sanctions.

Des encadrements trop formels

Le système d’encadrement et d’accompagnement des enseignants est focalisé sur un contrôle formel. Lors des visites de classe, par exemple, les encadreurs ne tiennent pas compte du difficultés réelles des équipes et des résultats des élèves mais s’appuient sur le respect des normes qui régissent la séance. Ces contrôles de conformité, directement liés à des injonctions hiérarchiques, creusent un fossé entre les agents du terrain et les instances administratives. Un agent déplore le manque de liberté d’échange : « Il est clair qu’il faut repenser les CAPED[3] et mini-CAPED et surtout les orienter vers des analyses de pratiques plus profondes ; elles doivent devenir de hauts lieux de réflexion où les échanges sont axés sur le vécu des enseignants et les enrichissements qu’ils peuvent générer. »

Des outils pédagogiques inadaptés

Une étude réalisée en 2017 par le ministère a montré que les enseignants ont une faible maîtrise des compétences qu’ils sont en charge de dispenser. Les outils sont nombreux, notamment le dispositif de formation qui est très répandu, mais sont conçus dans des instances externes aux établissements scolaires pour être ensuite standardisés et généralisés à tout le pays. D’une part, les programmes sont définis sans connaissance des différents contextes entre les écoles se situant en zones urbaines ou en zones rurales, d’autre part, les enseignants, pourtant les premiers concernés, ne sont pas impliqués, ni dans l’élaboration, ni dans la définition des objectifs à atteindre.

Seul un changement endogène et progressif, à tous les niveaux du système d’éducation, permettrait d’améliorer la gestion de la qualité. Une plus grande place laissée au dialogue et à la transparence pour réguler les actions pourrait contribuer à atténuer la déconnexion entre le terrain et les directions centrales.

 

[1] La dynamique des scolarisations au Niger : évaluation pour un développement durable, Banque mondiale, 2004.
[2] Analyse du secteur de l’éducation du Niger, IIPE-UNESCO Dakar, 2019.
[3] Cellule d’animation pédagogique.