Les points de blocages qui grippent la machine sont multiples.
Selon le diagnostic, des instructions qui se chevauchent et le manque de synergie entre les différents échelons génèrent une grande perte d’efficacité. Les difficultés à bien faire circuler l'information entre les différentes directions du ministère de l’Éducation nationale, les académies, les inspections de l’éducation et de la formation et, en bout de chaîne, les écoles, freine la mise en œuvre des différents programmes et réformes.
De nombreux moyens financiers sont mobilisés par l'État ou ses partenaires (PAQUET, PAQEEB, PASEB, USAID-EBD...), mais la distribution de ces fonds pourtant disponibles a du mal à atteindre les populations ciblées. Si bien que dans de nombreuses écoles, comme à Kaffrine par exemple, 90% des charges de l'école (entretien, réparation, paiement du gardien) finissent par être payées par les cotisations des parents.
Le rapport met en lumière une inadéquation persistante entre les besoins de la communauté enseignante et les outils déployés par les autorités. Cette observation d'un inspecteur au sujet de la pertinence des critères d'évaluation des élèves illustre cet aspect : « face à des sujets qui n’apprennent pas de la même façon, qui n’évoluent pas au même rythme, qui n’ont pas les mêmes parcours et qui ne vivent pas dans les mêmes conditions, il est inopportun de les évaluer sur les mêmes bases ».
L'appel de la communauté éducative
Pour que les réformes soient en phase avec les besoins du terrain et qu'elles touchent leurs cibles, les acteurs de l’éducation au Sénégal appellent à être associés le plus tôt possible dans la conception des programmes d'amélioration de la qualité de l'enseignement. Deux raisons à cela : se sentir partie prenante du processus pour faciliter l'appropriation des outils et dispositifs ; et surtout avoir l'opportunité de partager les expériences concrètes vécues dans les régions et les classes afin qu'elles soient prises en compte dans la définition des objectifs.
Un système d’encadrement à repenser
Sur la question de l’encadrement pédagogique des enseignants, des progrès peuvent être réalisés. Le rapport pointe des méthodes de suivi trop rigides. Actuellement les outils restent axés sur un recueil de données quantitatives, animé par une logique de sanction-récompense envers les enseignants qui n'atteindraient pas certains objectifs. Cela induit un biais dans leur traitement, et influence la culture professionnelle des enseignants vers une approche de contrôle de conformité plutôt que d’amélioration de leurs pratiques professionnelles. Cette façon d'agir bloque la capacité d'innovation, et pousse une partie du corps enseignant à utiliser les structures de délibérations et d'échanges entre pairs, comme des antichambres de préparation des candidats aux examens professionnels. Alors que ces espaces sont initialement destinés à ce qu'ils partagent leurs expériences et identifient les axes de progrès dans leurs pratiques.
Le ministère de l’Éducation a les outils, le personnel et les partenaires pour atteindre son objectif d'amélioration de la qualité de l'enseignement. Il peut aussi s'appuyer sur des initiatives locales, concernant l'accompagnement des élèves en difficultés, la gestion logistique des établissements ou l'organisation de groupes de paroles informels.
Le défi est maintenant d'associer la communauté éducative au sens large, enseignants, inspecteurs, parents, décideurs locaux, pour qu'à l'avenir les acteurs de terrain ne prononcent plus ce type de phrase : « Parfois, ils nous donnent des ardoises alors qu’on a besoin de craies ».