Qualité de l’éducation à Madagascar : un système qui peine à accompagner la mise en œuvre de sa politique
Le diagnostic du pilotage de la qualité de l’éducation conduit par les équipes du Ministère de l’éducation, avec l’appui de l’IIPE-UNESCO Dakar, montre que les bonnes volontés ont du mal à se concrétiser en actions, et que les difficultés restent importantes. Le système éducatif malgache dispose de solides atouts. Mais pour aller au bout des efforts engagés et atteindre les résultats escomptés, les entraves sont encore nombreuses.
Une politique bien pensée, avec des objectifs et des cibles clairs
Fruit d’un large processus participatif qui a impliqué le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN), le Ministère de l’Emploi, de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, les autorités nationales, mais aussi les PTF, la société civile et le secteur privé, le système malgache dispose d’un Plan sectoriel 2018-2022 ayant fait consensus. Document cadre de la politique éducative malgache, il entendait répondre de manière précise et ciblée aux défis que rencontre le système éducatif, notamment par la mise en œuvre d’importantes réformes (cycle fondamental, calendrier scolaire notamment).
Deux ans après son adoption, où en est-on ?
Une mise en œuvre entravée par l’instabilité politique
Depuis 2019, 3 Ministres et 3 secrétaires généraux se sont succédés à la tête du Ministère de l’éducation, impactant l’organigramme des directions presque à chaque fois. La forte mobilité des responsables à tous les niveaux du système, l’absence de continuité de service ou de culture de passation de poste : autant d’éléments qui engendrent une perte de données et de mémoire institutionnelle.
L’analyse réalisée met en lumière les difficultés rencontrées par les encadreurs et enseignants depuis près de deux décennies, et amplifiées au cours des dernières années. Faute de pouvoir capitaliser sur les actions précédentes, chaque nouvelle équipe a tendance à faire de nouvelles propositions.
« La majorité des enseignants et des formateurs ressent ce constat comme un facteur défavorable. Les acteurs affirment que ces changements fréquents ne facilitent pas leur tâche et qu’ils doivent s’adapter à une nouvelle approche avant même d’avoir maitrisé la précédente ».
S’il est ici fait référence aux changements d’approche pédagogique qui ont été opérés par le niveau central, sans que les acteurs sur le terrain n’aient le temps de s’approprier l’une d’entre elles et de la mettre en œuvre efficacement, ce constat vaut pour d’autres thématiques.
Des modalités de planification, de suivi-évaluation et de capitalisation à repenser
L’instabilité ne facilite pas les choses, mais n’est pas la seule difficulté : l’absence d’échange et de coordination entre les niveaux d’intervention grippe aussi la machine.
« L’élaboration de Plans de Travail Annuel (PTA) ou de Plans Triennaux de Développement (PTD) a besoin d’une vision commune de tous les acteurs dans tous les niveaux ». Ces propos tenus par des acteurs rencontrés au cours de la phase de diagnostic illustrent l’un des écueils auquel est confronté le système : sa faible capacité à faire dialoguer les différents niveaux d’action et à apprendre de l’expérience des acteurs.
Les instances de dialogue autour de la mise en œuvre de la politique éducative existent bel et bien, mais leur utilisation pour construire une vision et une compréhension commune n’est qu’illusoire. Le manque de moyens, ou parfois de capacités ou de motivation, les transforment en simples récepteurs d’une injonction venue d’en haut. Ainsi, certaines stratégies pourtant bien pensées au niveau central (comme la politique de remédiation), se trouvent en échec dans leur mise en œuvre, comme le signalent les acteurs rencontrés : «L’inexistence d’échanges entre les différentes structures de l’administration au niveau déconcentrée est l’une des causes majeures du redoublement des élèves ».
Le suivi et l’évaluation des actions est quant à lui dégradé par la profusion d’outils proposés aux acteurs. Pas suffisamment de temps pour remplir les nombreux outils, manque de formation pour les utiliser ou encore sentiment d’inutilité…il s’agit là de certains des principaux ingrédients d’une faible motivation des acteurs à produire des données fiables, qui permettraient un réajustement de l’action.
Ainsi, la plupart des actions d’envergure mises en place (notamment en termes d’actions de formation pédagogique), n’ont pas fait l’objet d’évaluations approfondies ni de suivi dans la mise en œuvre à moyen terme, ne permettant pas d’adapter l’appui ou les outils proposés sur la base de retours d’expérience.
Pour un pilotage efficace, qui conduira à une amélioration de la qualité, les fonctions de planification, de suivi-évaluation et de capitalisation apparaissent donc comme centrales. Et ce travail ne peut se faire qu’au plus près et avec les acteurs directement concernés.