Démographie : Redoubler d’efforts pour l’éducation et la formation

En 2021, plus d’un quart de la population africaine est en âge d’être scolarisée. En 2035, ces enfants devenus jeunes seront sur le marché de l’emploi. Il faut donc investir dès à présent dans l’éducation de ceux qui auront demain l’avenir du continent entre leurs mains.

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Parce que les phénomènes démographiques ont des effets sur le long terme, démographes et décideurs peinent parfois à montrer à leurs concitoyens l’urgence de mobiliser des ressources aujourd’hui pour peser sur la société de demain. Pour aider les jeunes à s’intégrer à la vie économique et mieux assurer leur transition vers le marché du travail, les pays africains doivent redoubler d’efforts dans leurs investissements dans l’éducation et la formation.

Les pays pourraient ainsi bénéficier d’un dividende démographique. Les économistes définissent ce phénomène comme une hausse de productivité constatée lorsque la population active dépasse la population à charge, autrement dit, les plus jeunes et les plus âgés. Le dividende démographique correspond donc à une période « dorée » durant laquelle les enfants nés pendant un boom démographique sont devenus adultes, ont moins d’enfants que leurs aînés et participent activement à la vie économique.

On parle de dividende démographique pour décrire une accélération de la croissance économique résultant d’un changement de la structure par âge d’une population.

Une transition démographique variable selon les régions

En Afrique, la demande potentielle de scolarisation dans l’enseignement de base continuera de croître de manière substantielle au cours des trois prochaines décennies. Ainsi, la population des 6-15 ans, correspondant à l’enseignement de base obligatoire, progressera à un rythme annuel moyen de 1,8 % dans la décennie à venir, puis devrait décélérer à 1,3 % entre 2030 et 2050 (1). Les investissements dans l’éducation doivent au moins être proportionnels à cette évolution.

Ces estimations cachent toutefois d’importantes variations régionales. L’Afrique centrale et de l’Ouest devraient ainsi connaître des rythmes de croissance plus élevés, tandis que les taux seront a priori plus faibles en Afrique de l’Est, en Afrique du Nord et en Afrique australe, compte tenu des différences dans leur transition démographique. Résultat : l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale représenteront plus des deux tiers de la population scolarisable du continent en 2050.

La transition démographique se caractérise par le passage d’un régime traditionnel où les taux de fécondité et mortalité sont élevés, à un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent ainsi à nouveau.

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L’Afrique au centre de la démographie mondiale

La réalisation des objectifs internationaux de scolarisation universelle dépend en grande partie des progrès qui seront réalisés sur le continent africain. En effet, le poids de l’Afrique subsaharienne au sein de la population scolarisable mondiale ne va cesser de croître : en 2050, un tiers des enfants de 6 à 15 ans habitera en Afrique subsaharienne contre un sur cinq aujourd’hui.

Au sein du continent, les tendances démographiques – et les besoins qu’elles impliquent – varient significativement d’un pays à un autre. Aux deux extrêmes, le Cabo Verde et le Niger illustrent bien ces disparités. Par rapport à aujourd’hui, la population cap-verdienne scolarisable connaîtra en effet une baisse de 19 % à l’horizon 2050, tandis que celle du Niger augmentera de plus de 100 %, autrement dit sera multipliée par plus de deux, alors même que la part des enfants en âge d’aller à l’école au Cabo Verde est moins importante et que la transition démographique y est plus avancée qu’au Niger.

En 2017, le ratio élèves/enseignant au post-primaire était de 35 au Niger contre 16 au Cabo Verde. Quant au taux d’achèvement dans le secondaire, il était respectivement de 17 % contre 72 % en 2016. Ces différences dans la dynamique de la population scolarisable entraînent une pression plus importante sur les ressources du Niger que celles du Cabo Verde.

Plus de la moitié de la population africaine habitera en zone urbaine en 2035

La croissance de la population urbaine sera assurément un des défis majeurs du continent au cours des prochaines décennies. Les démographes estiment que l’Afrique subsaharienne connaîtra sa transition urbaine en 2035, date à laquelle plus de la moitié de sa population habitera en zone urbaine. Alors que les objectifs de scolarisation universelle sont loin d’être atteints en milieu rural, l’urbanisation rapide du continent pose d’immenses défis en matière de satisfaction des besoins éducatifs dans les villes, pourtant souvent considérées comme plus favorisées.

Ce phénomène d’urbanisation se traduit en effet par le développement de quartiers spontanés et de bidonvilles en périphérie des villes, entraînant d’importantes difficultés sur le plan éducatif. Dans certains pays, l’accès à l’éducation dans ces quartiers spontanés est plus faible que dans les villages environnants. Toutefois, les inégalités entre villes et campagnes persistent et les besoins en matière d’éducation demeurent plus importants en milieu rural. Si la part relative de la population rurale est en baisse, la population scolarisable en milieu rural continuera à augmenter fortement en valeur absolue.

Une autre caractéristique démographique du continent est le jeune âge de sa population, soulevant la question cruciale de l’employabilité. Résoudre ce défi sera indispensable pour tirer pleinement avantage du dividende démographique. Investir dès aujourd’hui dans le développement des compétences apparaît donc comme la voie à privilégier.

Ces enjeux démographiques – et leur implication en termes d’investissements dans l’éducation et la formation – sont au cœur des agendas continentaux. Le thème choisi en 2017 par l’Union africaine lors de son sommet d’Addis-Abeba soulignait déjà clairement cet enjeu : « Tirer profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ». Quelques mois plus tard, lors de sa 72e session, l’Assemblée générale des Nations Unies lançait à son tour la Feuille de route du dividende démographique pour l’Afrique. À l’aube d’une décennie cruciale pour atteindre l’objectif de développement durable 4, il est temps que ces engagements politiques se concrétisent, aussi bien au niveau régional que national.

(1) Nations Unies, Division de la population, Perspectives de la population mondiale. Révision 2019

La démographie pour éclairer les stratégies et anticiper les coûts

En 2018, 207 millions d’enfants, tous âges confondus, étaient scolarisés dans l’enseigne-ment de base en Afrique subsaharienne. Bien que ce nombre représente une participation scolaire élevée, le taux d’achèvement (taux brut d’accès en dernière année) demeure faible : seu-lement 69 % au primaire et 44 % au premier cycle secondaire. Assurer l’accès et la réussite scolaire de l’ensemble des enfants et adolescents scola-risables à l’horizon 2050 nécessitera la construc-tion de 9 millions de classes et la formation de 9,5 millions d’enseignants supplémentaires. Au cours de la prochaine décennie, 19 milliards de dollars des États-Unis additionnels devront donc être mobilisés. Ces dépenses supplémentaires représentent 46 % des dépenses actuelles de l’enseignement de base.

L’éducation : l’autre protection sociale en matière de santé

Investir dans l’éducation a des effets bénéfiques sur plusieurs dimensions de la santé. Au niveau individuel, la chance d’accès à l’information sur les bonnes pratiques en matière de santé croît avec le niveau d’éducation. Une personne plus éduquée a tendance à avoir des comportements plus sains sur le plan de l’équilibre nutritionnel, de l’hygiène ou du recours au système de santé. De même, au niveau intergénérationnel, plus le niveau d’éducation des parents est élevé – et tout particulièrement la mère –, meilleurs sont les soins apportés aux enfants. Ces effets positifs de l’éducation sur la santé se cumulent, contribuant ainsi à réduire les risques de morbidité et de mortalité. La pandémie de Covid-19 prouve que, si la pyramide des âges joue en faveur du continent, les populations les plus pauvres et les moins éduquées demeurent les plus vulnérables. L’éducation apparaît ainsi comme une protection supplémentaire sur le plan sanitaire et comme un levier clé pour la résilience. La santé, en retour, a des effets positifs sur l’éducation. Un bon état de santé et un équilibre nutritionnel dans l’enfance sont des facteurs de réussite scolaire et de bien-être à l’âge adulte. Pour l’UNESCO, l’importance de ce lien entre éducation et santé apparaît à travers deux priorités : d’une part, fournir des environnements d’apprentissage sûrs, inclusifs et propres à promouvoir la santé et, d’autre part, offrir à tous les enfants et jeunes gens une éducation sexuelle complète de qualité.

Éducation et migrations : assurer la scolarisation de tous les enfants

La forte croissance urbaine est l’un des deux principaux défis démographiques propres à l’Afrique. Ce phénomène est alimenté en grande partie par l’arrivée de jeunes ruraux, ou issus de villes secondaires, en périphérie des grandes agglomérations, dans des zones peu ou non aménagées. La fécondité y est souvent plus élevée du fait de la jeunesse et du faible niveau d’instruction des populations. Ainsi, de nombreuses métropoles africaines sont face à un paradoxe : les enfants en âge d’aller à l’école sont concentrés en périphérie, alors que les infrastructures scolaires de qualité sont le plus souvent situées au centre des villes, où la population est vieillissante.Un second défi majeur concerne les déplacés internes, qui migrent à l’intérieur même de leur pays en quête de sécurité. Lié à l’augmenta-tion des conflits sociaux, politiques et à l’insécurité grandissante, ce phénomène est en forte croissance en Afrique subsaharienne, notam-ment au Sahel qui enregistre des attaques terroristes récurrentes. Fin 2019, l’Afrique comptait plus de 33 millions de réfugiés et déplacés internes, soit 39 % du total mondial. Assurer la scolarisation des enfants et adolescents parmi ces populations déplacées constitue un enjeu énorme, non seulement en termes financiers, au regard des besoins en infrastructures et en personnels d’encadrement, mais aussi sur le plan du suivi psychologique.

Mieux planifier avec le modèle de simulation financière : Notre action

L’IIPE-UNESCO Dakar s’appuie sur un ensemble d’instruments techniques pour accompagner les États dans l’élaboration des plans et politiques éducatives. Parmi eux, le modèle de simulation financière est incontournable pour évaluer le coût des stratégies en tenant compte des dynamiques démographiques. Cet outil de projection permet d’anticiper les besoins à moyen et long termes. Par exemple, le nombre d’enseignants à recruter à horizon donné pour chaque niveau éducatif, au regard de l’évolution de la population scolarisable. Et ainsi traduire les objectifs des pays en scénarios quantifiables, soutenables et crédibles.