Financement: Innover pour optimiser les ressources
L’éducation constitue le premier poste de dépenses des États en Afrique. Son financement reste toutefois insuffisant et peu efficient. Trouver des leviers d’optimisation des dépenses publiques, miser sur des ressources supplémentaires et sur des outils alternatifs de financement est impératif pour mieux financer l’éducation. Et ainsi garantir une scolarisation de qualité à des millions d’enfants sur le continent, en particulier les plus pauvres. Tour d’horizon des pistes envisageables.
Entre 2000 et 2014, l’Afrique a connu une croissance économique annuelle de 4 à 5 % (1), un taux parmi les plus élevés au monde. Cette période propice a clairement bénéficié à l’éducation. Toutefois, les effets cumulés de la pandémie de Covid-19, de la croissance démographique et de la massification de l’accès à l’éducation font peser de lourdes contraintes sur les systèmes éducatifs... et les besoins restent considérables.
L’éducation en Afrique : financée massivement, mais pas suffisamment
Les États africains allouaient en moyenne près d’un quart de leurs dépenses courantes au secteur éducatif en 2015 (2), faisant de l’éducation le premier poste de dépense des gouvernements sur le continent. Le financement de l’éducation repose aussi fortement sur les ménages. En Afrique, ils contribuent à environ 30 % des dépenses courantes nationales d’éducation, alors que les moyens des familles sont extrêmement limités.
En dépit d’une priorité très élevée de l’État et des ménages à l’éducation, les ressources allouées au secteur sur le continent ne suffisent pas à assurer une éducation de qualité pour tous. Par rapport à la richesse intérieure produite, les ressources disponibles pour l’éducation représentent environ 4 % en moyenne alors qu’un niveau au moins égal à 6 % serait nécessaire pour financer des services éducatifs adéquats.
Mieux dépenser, premier levier d’un financement soutenable
Améliorer le financement de l’éducation ne suppose pas seulement d’augmenter le budget du secteur. Il s’agit d’abord d’optimiser l’efficacité en matière d’allocation des ressources publiques d’éducation. En Guinée par exemple, près d’un tiers des ressources investies dans l’enseignement primaire est « gaspillé », en grande partie à cause des abandons scolaires et des redoublements (3).
Une utilisation plus efficiente de la dépense publique n’est pas seulement un moyen d’optimiser les résultats éducatifs. C’est aussi un devoir vis-à-vis des contribuables et un signal fort pour les partenaires financiers. Assurer une plus grande transparence dans le financement public de l’éducation, lutter contre la corruption ou optimiser les mécanismes de gouvernance des systèmes éducatifs sont autant de leviers à fort potentiel pour augmenter les recettes nationales.
L’Afrique connaît en outre d’importantes disparités en matière d’appropriation des ressources. En moyenne, les ménages les plus riches s’approprient 8,6 fois plus de ressources publiques en éducation que les plus pauvres (4). Réorienter ces ressources vers les plus défavorisés serait également un moyen de mieux dépenser. Sur le continent, les difficultés de scolarisation touchent en particulier les zones rurales peu développées, pauvres en infrastructures sociales et qui manquent d’enseignants. Cibler ces zones en priorité permettra d’atténuer les inégalités sociales.
Ressources alternatives : miser sur le financement privé...
Où trouver des financements supplémentaires pour l’éducation ? L’ensemble des acteurs s’accordent sur la néces-sité d’impliquer davantage le secteur privé dans la prise en charge des services d’éducation. Des outils de financement existent, notamment pour la formation professionnelle et l’enseignement supérieur. Grâce au développement de partenariats publics-privés, des entreprises participent au financement de filières en lien avec la demande éco-nomique des pays, répondant ainsi à leurs propres besoins de main-d’œuvre. Certains gouvernements vont plus loin en créant des dispositifs réglementaires, comme la taxe d’apprentissage versée par les entreprises.
... et élargir la base de ressources domestiques
Bien que les États africains allouent près d’un quart de leur budget à l’éducation, le montant reste faible en valeur absolue car le budget des pays est lui-même insuffisant. Accroître les ressources domestiques des États africains, grâce à la croissance économique et la fiscalité est un enjeu primordial pour améliorer le financement de l’éducation. La Commission internatio-nale sur le financement des opportunités éducatives dans le monde5 a estimé que 97 % des ressources des-tinées à l’éducation devraient idéalement provenir de la mobilisation des ressources domestiques.En moyenne, les pays à faible revenu ont un ratio impôt/PIB de 17 % contre 34 % pour les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)6. Selon le Partenariat mondial pour l’éducation, augmenter ce ratio de 5 points permettrait à la plupart des pays de doubler leurs dépenses éducatives et d’autres services essentiels au cours des prochaines années.