Gagner la bataille de l’emploi des jeunes

D’ici 2030, environ 100 millions de jeunes entreront sur le marché du travail en Afrique. Cela représente chaque année plus de 10 millions de jeunes demandeurs d’emploi (1). Cette déferlante démographique peut devenir une opportunité si le continent parvient à relever le défi de l’employabilité. Faute de compétences adaptées, les jeunes représentent jusqu’à 60 % des chômeurs africains (2). Pour répondre à la demande économique et bâtir le futur des jeunes, il est urgent de renforcer l’efficacité des systèmes de formation professionnelle en privilégiant les approches partenariales. Explications.

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Emploi / 5 enjeux
@IIEP-UNESCO DAKAR/Sylvain Cherkaoui
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Emploi / 5 enjeux
@IIEP-UNESCO DAKAR/Sylvain Cherkaoui

Alors que le développement des compétences techniques et professionnelles occupe une place importante dans l’agenda Éducation 2030 des Nations Unies, les dispositifs africains d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. 

Assurer la transition formation-emploi : l’employabilité en question

Alors que le taux de chômage des jeunes en Afrique est alarmant, un jeune Africain sur trois qui occupe un emploi se trouve dans l’extrême pauvreté (3).  Le développement de l’Afrique est conditionné par une amélioration du niveau de qualification des jeunes et par l’acquisition de compétences en adéquation avec la demande économique et les transformations sociétales.

En Afrique subsaharienne, seulement 7 % (4) des élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire étaient inscrits dans un cursus d’EFTP en 2014. Ce chiffre est certes inférieur à ceux constatés en Amérique du Nord ou en Europe occidentale, mais il témoigne toutefois d’un intérêt croissant pour l’EFTP sur le continent, avec une hausse du nombre d’apprenants. Reste que les programmes de formation, souvent trop généraux, ne répondent pas forcément aux besoins en compétences des pays. Souvent éloignés des milieux professionnels, les collèges et lycées techniques n’accordent pas suffisamment de place aux travaux pratiques et aux stages en entreprise. Pour assurer une transition formation-emploi efficace et durable, l’accent doit être mis sur la formation en situation de travail.

Renforcer le suivi et gagner en réactivité

Dans les années 2000, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont pris le parti de placer le développement des compétences au centre des politiques éducatives et sociales. Des observatoires nationaux de l’emploi et de la formation ont alors été créés dans le but d’améliorer les systèmes d’information sur les formations et l’emploi. Ces organismes s’attellent notamment à renforcer les capacités statistiques pour évaluer les besoins en compétences des économies. Toutefois, les systèmes d’EFTP sont souvent rigides. Ils s’ajustent difficilement quand il s’agit d’introduire rapidement de nouvelles filières de formation pour répondre à de nouveaux besoins de main-d’œuvre qualifiée ou quand il s’agit d’abandonner celles qui ne sont plus pertinentes car peu demandées par les entreprises.

Adopter un référentiel de compétences ou un système national de qualifications peut aider à renforcer les liens entre l’éducation, la formation et l’emploi, à travers une identification précise des filières prometteuses et des compétences attendues dans les secteurs économiques prioritaires. Ces outils peuvent être mutualisés et adoptés par plusieurs pays africains, contribuant ainsi à faciliter la mobilité des apprenants et des travailleurs diplômés grâce à la reconnaissance mutuelle des certifications. Ces synergies et pratiques collaboratives doivent encore se développer. Dans tous les cas, l’engagement de l’ensemble des acteurs est essentiel pour assurer une mise en œuvre cohérente de ces dispositifs.

Renforcer et accélérer les partenariats

Au rythme actuel, l’Afrique ne pourrait créer que 100 millions de postes dans les 25 prochaines années, alors que 450 millions seront nécessaires. Générer de nouveaux emplois implique, outre une croissance soutenue, de concevoir en amont des formations pertinentes. Pour ce faire, une plus forte implication des acteurs économiques, en particulier au niveau local, apparaît comme un levier essentiel.

Le Sénégal a notamment basé ses stratégies de modernisation de l’EFTP sur un renforcement des partenariats public-privé afin de répondre aux besoins des secteurs prioritaires que sont le bâtiment et les travaux publics, la pêche ou l’agriculture. Ainsi, le Centre de formation aux métiers portuaires et à la logistique de Dakar a été un des premiers en Afrique subsaharienne à dispenser des formations basées sur l’approche par les compétences.

L’enseignement supérieur en Mauritanie

Un autre enjeu est la professionnalisation des formations du supérieur, souvent caractérisées par la prédominance de cycles académiques longs. En Mauritanie, les projections suggèrent que le nombre d’emplois nécessitant des qualifications supérieures dans les secteurs de la manufacture, de l’eau et de l’énergie devrait être multiplié par six dans les 15 années à venir. Si la couverture de l’enseignement supérieur en Mauritanie est en deçà de celle des pays comparables, son expansion devra impérativement se faire par le développement de formations courtes professionnalisantes plus adaptées au futur marché du travail.

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Emploi des jeunes

Mieux financer la formation professionnelle

Pour appuyer ces transitions des systèmes d’EFTP, d’importants moyens sont nécessaires. La part consacrée à la formation professionnelle dans les dépenses d’éducation n’est que de 4 % en moyenne en Afrique (5). Dans la plupart des pays, les taxes professionnelles censées financer la formation sont collectées par l’État et versées au Trésor public comme des recettes fiscales, ne bénéficiant donc qu’en partie à l’EFTP. La situation semble toutefois progressivement évoluer.

En 2014, le Sénégal a développé le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), qui subventionne des projets de formation et d’insertion développés en fonction des potentialités économiques des localités. Entre 2016 et 2018, 3FTP a appuyé plus de 18 000 jeunes Sénégalais en formation dans 200 structures agréées à travers 27 domaines. Il est aujourd’hui cité en exemple pour les pays d’Afrique subsaharienne (6). Au-delà de la question du financement, la dynamique partenariale reste le principal facteur clé de succès et de performance de l’EFTP. En Afrique, la mise en place des partenariats public-privé est encore loin d’être optimale. Parmi les freins : le manque de cadrage réglementaire et d’outils opérationnels. L’enjeu pour les années à venir consiste donc à redéfinir les rôles des acteurs publics et privés dans le développement et la mise en œuvre de l’offre de formation pour renforcer cette coopération incontournable et essentielle. Prenant en compte tous ces éléments, l’EFTP contribuera à restructurer l’économie africaine, à créer des emplois dans des métiers d’avenir et à innover.

(1) Base de données IIPE-UNESCO Dakar et Organisation internationale de la francophonie. 
(2) Afrique Renouveau, « Le chômage des jeunes à l’ombre de la croissance économique » (données Banque mondiale).
(3) Organisation internationale du travail, “Global Employment Trends for Youth 2020: Africa”, 2020.
(4) Données de l’Institut de statistique de l’UNESCO ; Banque mondiale, « Le développement des compétences en Afrique subsaharienne, un exercice d’équilibre », 2020.
(5) Base de données des indicateurs de l’IIPE-UNESCO Dakar.
(6) 3FPT - Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique.

Pour un ancrage local de l’EFTP

Pour relever le défi de l’employabilité des jeunes en Afrique, l’EFTP doit répondre aux enjeux spécifiques des économies locales. Mobiliser des acteurs locaux, et en particulier des entreprises privées, est donc fondamental. Cela signifie que les institutions en charge de l’EFTP restent en prise avec les réalités territoriales et les besoins intrinsèques exprimés par le terrain. En Afrique subsaharienne, cette transition des systèmes centraux vers des mécanismes de concertation locale commence à s’enclencher. Les dynamiques de l’offre et de la demande amènent souvent les marchés locaux de l’emploi à se spécialiser pour tirer parti de leurs avantages comparatifs. La formation professionnelle a un rôle clé à jouer pour soutenir les stratégies économiques des territoires et favoriser leur résilience face aux chocs externes.

La proximité des entreprises avec les centres locaux de formation facilite la création de parcours de formation alignés avec les besoins sectoriels en compétences – et favorise donc l’insertion professionnelle des jeunes dans leur tissu économique local. Cette approche participative s’appuie généralement sur des cadres régionaux de partenariat pour le développement des compétences. C’est le cas en Mauritanie, qui mène actuellement une démarche innovante dans trois territoires, avec le soutien technique de l’IIPE-UNESCO Dakar. Ainsi, des entreprises privées locales sont impliquées pour référencer les compétences nécessaires au développement de leur secteur le plus porteur : l’agriculture mixte dans la région de Gorgol, le BTP à Nouakchott et la pêche à Nouadhibou. Ce partenariat aidera les centres de formation à adapter leurs programmes et à orienter les jeunes vers des parcours de carrière prometteurs.

 

Les partenariats public-privé : quels bénéfices ?

Plus que jamais, le continent a besoin de former des ressources humaines capables de répondre aux besoins en compétences des entreprises. C’est une condition sine qua non à sa croissance économique, celle qui permettra aux jeunes Africains de décrocher des emplois décents ou de réussir durablement dans l’entreprenariat. Les partenariats public-privé (PPP) sont un rouage essentiel pour y parvenir. En effet, les PPP contribuent à identifier les compétences qui font défaut aujourd’hui, anticiper celles qui seront indispensables demain ou concevoir et dispenser des pro-grammes de formation cohérents...

Ils permettent également d’en évaluer l’impact et les résultats. Ils participent en outre à réduire la charge financière qui pèse sur les budgets publics, puisque le secteur privé prend en charge des coûts indirects liés à la formation des jeunes, comme l’accueil et l’encadrement des apprentis. Pour améliorer l’employabilité des jeunes et la compétitivité, les autorités marocaines ont ainsi mis en place les instituts à gestion déléguée, en partenariat avec les professionnels des secteurs ciblés. Ce dispositif de formation permet d’accélérer la spécialisation et l’intégration professionnelle des jeunes recrues en entreprises. 

Planifier l’EFTP pour assurer la transition vers l’emploi: Notre action

L’IIPE-UNESCO Dakar défend une approche innovante pour soutenir et renforcer la planification et la gestion de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels. Objectif : assurer à toutes et tous l’accès à une formation et à des compétences pertinentes et de qualité tout au long de la vie. Pour ce faire, les équipes fournissent un appui technique aux acteurs africains du sous-secteur dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des plans et des réformes de l’EFTP. Ceci inclut, par exemple, la définition de cadres nationaux ou régionaux pour des partenariats public-privé. Le bureau encourage les dynamiques de mutualisation à travers le partage d’outils et de ressources entre pays.