Inclusion : Garantir un accès équitable et universel à l’éducation

La pauvreté, le handicap ou le genre sont des déterminants majeurs de l’inclusion scolaire. Plus de 97 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en Afrique subsaharienne, qui connaît l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde (1). Le continent a le taux d’exclusion des 6-11 ans le plus élevé. L’accès pour tous est à la fois la clé de voûte et le préalable indispensable à la mise en place d’une éducation inclusive.

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Le continent africain représente 38 % de la population non scolarisée dans le monde, contre 24 % en 2000. Seuls sept enfants sur dix terminent le cycle primaire (2). Cela signifie que les enfants exclus de l’éducation de base ne sont pas exclusivement issus de zones défavorisées, ni uniquement de groupes minoritaires aux besoins particuliers. Ces enfants non scolarisés, qui représentent une part importante de la population future de la région, sont actuellement abandonnés par l’institution chargée d’assurer leur scolarité.

Pour mettre en place une éducation inclusive en Afrique, il est impératif d’appliquer son principe fondateur : un accès universel à un enseignement équitable.

Une situation contrastée selon les pays

Les chiffres régionaux masquent d’importantes variations, tant au niveau de l’ampleur, du rythme que de l’orientation politique des changements entrepris en faveur de l’éducation inclusive. Si certains pays parviennent à réduire leurs lacunes en matière d’équité à travers des systèmes d’éducation plus inclusifs, d’autres accusent du retard.

Au Niger, par exemple, seuls quatre enfants sur dix terminaient l’enseignement primaire il y a dix ans, contre six sur dix aujourd’hui. Dans le même temps, l’Érythrée et la Tanzanie ont vu leur taux d’achèvement du cycle primaire reculer drastiquement.

Sur la même période, Madagascar a considérablement amélioré l’accès à l’enseignement préscolaire, passant d’un enfant scolarisé sur dix à quatre sur dix aujourd’hui. Dans d’autres pays, comme le Burkina Faso ou la République démocratique du Congo, le développement de l’enseignement préscolaire s’est limité à une hausse de deux points de pourcentage sur la même période (3).

La pauvreté, obstacle majeur à l’éducation inclusive

Au-delà des variations régionales, les enfants d’Afrique subsaharienne ne sont pas simplement exclus du système éducatif par malchance. Cette situation est souvent liée à un certain nombre de facteurs identifiables.

La pauvreté reste sans doute l’un des freins les plus importants. En Afrique subsaharienne, les enfants issus des foyers les plus riches ont trois fois plus de chances de terminer l’enseignement primaire que ceux vivant dans les foyers les plus pauvres (4). Ils ont également 20 fois plus de chances de terminer le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Ces dernières années, de nombreux pays de la région se sont engagés à assurer la gratuité de l’enseignement secondaire. Reste que cette mesure ne bénéficie qu’aux enfants ayant pu aller au terme du cycle primaire.

Trompe-l’œil sur la question du genre

À l’échelle de l’Afrique subsaharienne, on constate une amélioration progressive de la parité : 89 filles terminent désormais le premier cycle d’enseignement secondaire pour 100 garçons, contre 84 filles il y a dix ans. Toutefois, cette tendance régionale ne reflète pas la réalité dans de nombreux pays, où les filles demeurent extrêmement défavorisées. Au Tchad, par exemple, pour 100 garçons, 49 filles seulement vont au terme du premier cycle du secondaire. Toutefois, ces disparités sont parfois observées au détriment des garçons. C’est le cas au Burundi et au Sénégal, où l’on recense 83 garçons à la fin du secondaire pour 100 filles (5).

Lieu de résidence, handicap, insécurité : d’autres facteurs d’exclusion

Le lieu de résidence des enfants influe aussi considérablement sur leur accès à l’éducation, souvent du fait du manque d’infrastructures en Afrique subsaharienne. Les enfants qui vivent en milieu urbain ont près de deux fois plus de chances que les enfants des zones rurales de terminer l’enseignement primaire et quatre fois plus de chances d’aller au bout du secondaire. Ceux présentant un handicap – notamment moteur, visuel, auditif ou cognitif – sont tout particulièrement vulnérables à l’exclusion. La très grande majorité n’est pas scolarisée ou abandonne prématurément. Souvent, ces obstacles à l’éducation se recoupent et se cumulent. Au Mozambique par exemple, près de la moitié des hommes en situation de handicap savent lire et écrire, contre 17 % des femmes handicapées (6).

Un garçon issu d’un milieu défavorisé, qui vit en zone rurale et ne parle pas la langue d’enseignement a peu de chances d’accéder à l’éducation. Quant à sa sœur handicapée, elle n’en a quasiment aucune.

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À ces difficultés s’ajoutent l’insécurité et la violence, ainsi que l’impact des changements climatiques, des catastrophes naturelles et des épidémies7. La région recense le plus grand nombre d’enfants au monde déplacés à l’intérieur de leur propre pays, compromettant l’éducation de quelque 4,4 millions d’enfants (8). Quant aux enfants réfugiés, ils ont cinq fois plus de risques d’être déscolarisés que les autres enfants (9).

La pandémie, un facteur aggravant

Dans ce contexte déjà compliqué, la pandémie de Covid-19 a entraîné la déscolarisation de près de 300 millions d’enfants en Afrique (10). L’interruption de l’année scolaire a eu un impact particulièrement négatif sur les élèves les plus vulnérables, pour qui l’apprentissage à domicile est le plus difficile11 du fait de l’absence ou de l’inadéquation du matériel. Sans compter les dizaines de millions d’enfants en âge scolaire qui ne peuvent pas bénéficier de l’enseignement à distance12.En raison de l’impact économique de la crise sanitaire mondiale, l’UNESCO estime que 23,8 millions d’enfants pourraient avoir été amenés à abandonner l’école ou être privés d’enseignement scolaire en 2021. Si l’on y ajoute l’impact de la perte des acquis scolaires, le nombre total d’enfants qui ne retourneront pas à l’école suite à la crise épidémique sera probablement encore plus élevé. Cette potentielle « catastrophe générationnelle13 » apparaît comme un frein supplémentaire à lever en matière d’éducation inclusive.

(1,2,3,4,5) Données de l’Institut de statistique de l’UNESCO.
(6) UNESCO, Rapport GEM, op. cit.
(7) UNESCO, Brief Education 2030, « L’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées en Afrique subsaharienne », septembre 2016.
(8) UNESCO, Observatoire des situations de déplacement interne, « Les impacts du déplacement interne sur l’éducation en Afrique subsaharienne », document de travail, 2020.
(9) Education cannot wait.
(10) UNESCO, “COVID-19: An unprecedented crash test for African education systems”, 2020.
(11) Groupe des Nations Unies pour le développement durable, “Policy Brief: Education during Covid-19 and beyond”, août 2020.
(12) UNICEF, “COVID-19: Are children able to continue learning during school closures?”, août 2020.
(13) Groupe des Nations Unies pour le développement durable, op. cit.

Pour une approche humaine et sociale du handicap

Les enfants handicapés représentent 15 % des enfants non scolarisés dans le monde (1). Ce chiffre est d’autant plus alarmant qu’il est fondé sur des données inaccessibles dans la majorité des États du continent africain. L’écart entre les enfants en situation de handicap et les autres n’a cessé de se creuser ces 20 dernières années, tant sur le plan de l’achèvement scolaire que des résultats d’apprentissage. Dans les écoles, de nombreux enfants souffrant d’un handicap ne sont jamais identifiés. En Afrique francophone, seuls 5 % des élèves de deuxième année ont participé à des tests de dépistage des maladies oculaires en 2014 (2). Pour améliorer la planification de l’éducation et l’inclusion de ces enfants dans les systèmes éducatifs, les méthodes de recensement doivent non seulement se renforcer... mais aussi évoluer.

Qu’est-ce qu’un enfant handicapé? L’approche dominante continue de refléter une vision purement médicale du handicap, au détriment d’une prise en compte sociale et humaine de la question. Pour répondre aux besoins de soutien individuel des élèves handicapés (3), leur environnement et leur capacité à apprendre doivent être pris en compte. Le manque de formation des enseignants dans le domaine de l’éducation inclusive est également un obstacle. Les cadres législatifs et politiques nationaux reflètent un engagement politique croissant en faveur de l’éducation inclusive en Afrique, en écho au cadre international de référence sur le droit à l’éducation des jeunes handicapés. La mise en œuvre – encore trop lente – des engagements et initiatives nationales va dans le sens de systèmes éducatifs plus équitables et inclusifs.

Donner plus de place aux enseignantes : un levier clé pour une éducation inclusive

Frais de scolarité, fournitures scolaires... Les inégalités de genre ne se résument pas à l’accès à l’éducation et aux résultats scolaires des élèves. Partout dans le monde, les disparités entre femmes et hommes persistent dans le corps enseignant et, plus largement, dans l’administration des systèmes éducatifs. L’Afrique sub-saharienne a le pourcentage le plus bas d’enseignantes dans le primaire, soit seulement 43 %. Au secondaire, leur part a légèrement baissé ces 20 dernières années. Elles ne représentent que 30 % du corps enseignant, alors que la moyenne mondiale se situe à 54 %. Elles sont également sous-représentées dans les matières scientifiques. Au Burkina Faso par exemple, 20 % des enseignants en lettres et langues sont des femmes, contre moins de 10 % en mathématiques et seulement 2 % en physique.

Au-delà de l’injustice sociale et économique, ces déséquilibres entre hommes et femmes au sein du corps enseignant impactent négativement les représentations des élèves et leurs acquis scolaire : un enseignant du même sexe que l’élève peut lui servir de modèle. Il joue un rôle central pour instaurer un climat d’égalité entre filles et garçons – ou peut à l’inverse exacerber les discriminations au sein de la classe. Les enseignantes peuvent offrir aux filles des contextes d’apprentissage plus sûrs, réduisant le risque de violences basées sur le genre. Si dans les pays développés, de nombreuses études existent sur l’impact du genre des enseignants sur les résultats scolaires des élèves, les recherches sont plus rares dans les pays en développement, en Afrique en particulier. 

(1) UNESCO, Rapport GEM, op. cit.
(2) Banque mondiale, “Looking ahead: Visual impairment and school eye health programs”, 2019.
(3) Objectif de développement durable 4, Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Faire avancer l’égalité de genre dans et par l’éducation : Notre action

Chargé du pilotage technique de l’Initiative « Priorité à l’Égalité », l’IIPE-UNESCO Dakar œuvre à la promotion de l’égalité de genre dans et par l’éducation. Lancé en 2019 dans le cadre du sommet G7 et coordonné par l’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles (UNGEI), ce programme vise notamment à renforcer les capacités de huit pays d’Afrique subsaharienne pour intégrer la question du genre dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques éducatives. Avec une équipe spécialisée en planification et gestion de l’éducation sensible au genre, l’IIPE-UNESCO Dakar intervient en appui auprès des États, dispense des formations, produit et partage des ressources.